Réunion Régionale Ile de France 2024

Samedi 23 mars s'est tenue, à l'Ecole Nationale de la Magistrature, la réunion annuelle des adhérents de la région. Cet événement important dans la vie associative a réuni plus de 60 membres soit 40% des visiteurs de la région.

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En sus des échanges inhérents à une rencontre associative, la réunion a été marquée par 2 temps forts : l'intervention du DISP Paris Ile de France, Stéphane Scotto, et la table ronde sur la radicalisation en prison.

Intervention de Stéphane Scotto

La surpopulation carcérale

L'intervention de Stéphane Scotto, Directeur Interrégional de l'Administration Pénitentiaire, a été focalisée sur l'évolution de la population carcérale qui à l'échelle de la région arrive à un taux d'occupation de près de 150%, ainsi que de l'effet ciseaux lié à la carence de personnel, seulement 90% des postes étant pourvus. Pour augmenter le nombre de surveillants, va être créé le statut de surveillant adjoints, contractuels qui pourront rejoindre le statut après deux ans de pratique professionnelle.

Les dernières années ont vu le nombre de détenus en Ile de France comme en France significativement augmenter et la période avant les Jeux Olypmiques sera certainement un moment d'augmentation continue des incarcérations.

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La région Ile de France compte actuellement 10000 places. Fin 2023, la région comptait 13850 personnes incarcérées pour 14100 à ce jour . Sachant que trois établissements (Melun, Meaux et Poissy) sont des établissements pour peine avec un numerus clausus égal au nombre de places, la surpopulation réelle atteint plus de 150% avec des établissements plus chargés que d'autres.

La mise en service des 3 SAS (Structures d'Aide à la Sortie) de 180 places chacune et l'ouverture du quartier de détention en cours de finalisation à Fleury Merogis portera les places disponibles à 11000, ce qui ne suffira pas à redonner des conditions d'incarcérations satisfaisantes.

La construction de nouvelles prisons en Ile de France prévoit de disposer de 14000 places à échéance 2027.

Des dispositions comme le "stop-écrou" qui consiste à ne plus admettre de nouveaux détenus dans une prison,  utilisé parfois en situation extrême, ne résout pas le problème car l'Administration Pénitentiaire qui ne peut refuser de personne à incarcérer se verra reporter le problème sur d'autres  établissements.

L'agrément de visiteur de prison

Pour l'agrément des visiteurs Stéphane Scotto est tout à fait conscient des délais parfois importants d'obtention de l'agrément lié d'une part à la charge de travail des équipes et aux délais variables selon les départements de l'enquête de préfecture. Il se montre favorable à une durée d'agrément portée de 2 à 3 ans.

Par ailleurs, la limite d'âge à 75 ans écrite dans la circulaire du 2 août 2007 reste valide tant que la circulaire n'est pas abrogée.  Cette limite est évaluée avec discernement notamment de manière  à permettre aux visiteurs concernés de terminer les accompagnements commencés jusqu'à la libération ou au transfert des détenus qu'ils visitent.

Table ronde sur la radicalisation

Le thème de la journée 2024 était la radicalisation en prison. 
Pour servir ce sujet, quatre intervenants ont accepté de débattre et de présenter leurs expériences :

  • Farid Abdelkrim, ancien radicalisé et comédien intervenant en prison
  • Pierre  Botton, témoin au cours de sa dernière incarcération de l'évolution du phénomène
  • Alison Decosterd, spécialiste de la Mission  Interrégionale de Lutte contre la Radicalisation Violente
  • Thierry, visiteur de prison ayant suivi un nombre significatif de personnes radicalisée
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La table ronde était animée par Danielle Rouquié

La base

La MILRV (Mission Interrégionale de Lutte contre la Radicalisation Violente) est actuellement focalisée sur la radicalisation islamiste et pas celles d'extrême droite ou d'extrême gauche.

Les personnes radicalisées en prison sont au nombre de 1439 en France dont 579 en Ile de France. Elles sont réparties en deux catégories : TIS, terroristes islamistes sunnites, et RAD, radicalisés non terroristes.

A partir de 2016, les attentats et les départs pour la Syrie et l'Irak on permis la prise de conscience qui a induit la mise en place de la Mission de Lutte contre la Radicalisation Violente (MLRV),  du centre national d'évaluation des personnes radicalisées (CNER), des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) ainsi que des médiateurs du fait religieux, intervenants particulièrement pointus en théologie musulmane afin de démonter les logiques religieuses des personnes radicalisées.

L'évolution

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Pierre Botton qui a fait deux séjours en détention à 25 ans d'intervalle, dont le dernier assez récemment à la prison de La Santé pointe une forte évolution des pratiques, du poids de la religion musulmane ainsi que de la violence induite. 
Il note que le calme ne se fait à la prison qu'avec l'appel à la prière diffusé à 20h ou 4h du matin à partir certaines cellules avec des haut parleurs puissants , fait que l'administration ne peut pas ne pas connaître et qui pendant sa détention n'a pas été endigué.
Il indique également avoir fait l'objet de menaces de mort de la part de personnes radicalisées et avoir craint pour sa vie.

Par ailleurs, il apparaît que nombre d'aumoniers musulmans ne sont pas à un niveau culturel suffisant pour pouvoir rivaliser avec des personnes radicalisées sûres d'elles et de ce qu'ils croient savoir.

Les actions pratiques

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Farid Abdelkrim, tombé dans l'islam radical des frères musulmans suite à un drame personnel et qui a réussi à comprendre son erreur est particulièrement actif auprès des personnes radicales incarcérées pour tenter de les faire évoluer. 
Pour ce faire, il utilise différentes approches comme le théâtre, des groupes de parole "café palabre", l'initiation à la psalmodie des versets du coran, des rencontre individuelles et de groupe. 
Un des axes de son travail auprès des personnes bloquées dans leur croyance et sûres de leurs approche de la religion, est de les amener à douter puis à accepter d'étudier les textes avec une approche historique et théologique ouverte. Il faut "transformer un objet de croyance en un objet d'étude".

La société civile

Les visiteurs de prison qui ont été jusqu'à peu amenés à rencontrer des personnes radicalisées sont de par leur position les seules personnes de la société civile à aller à  la rencontre des ces personnes ce qui leur permet de comprendre que, malgré leur situation, des personnes sans aucun intérêt personnel, ni professionnel, ni proches, et bénévoles, sont prêts à les rencontrer et à le considérer comme partie intégrante de la société.

Conclusion

Toutes les approches se complètent, et si comme pour élever un enfant, il faut tout un village, pour pouvoir espérer réintégrer les personnes radicalisées au sein de la société, il faut mobiliser chacun. C'est la somme d'actions dont l'impact direct n'est pas toujours mesurable qui permettra d'obtenir des résultats. Toute la difficulté est qu'on touche à l'humain et que chaque cas est un cas particulier sur lequel les actions ont des impacts différents et difficilement mesurables.

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24/03/2024

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