France Info - interview du Président de l'ANVP

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Le 19 mai 2025, Yves Marie Brient, Président de l'ANVP a été sollicité par France Info pour s'exprimer sur la décision du Conseil d'Etat de lever l'interdiction des activités ludiques en prison.

Ci-dessous le texte de l'interview effectuée par Thomas Sechier.

Vous êtes le président de l'ANVP, l'Association Nationale des Visiteurs de Personnes sous main de justice. Visiteurs de prison, pour le dire plus simplement. Vous soutenez moralement, parfois matériellement, les personnes détenues et leurs familles.

Vous organisez bénévolement des activités pour les détenus.

France Info :

Est-ce que vous vous réjouissez de la décision du Conseil d'État de lever cette interdiction des activités ludiques en prison ?

Yves-Marie Brient :

On ne peut que se réjouir de ça parce que cette interdiction était totalement incompréhensible au regard de ce que ça peut apporter aux personnes en détention.

C'était donc vraiment incompréhensible pour nous, pour les associations qui interviennent au quotidien dans de l'accompagnement personnel, dans des jeux sous différentes formes.

France Info :

Quand on nous dit le yoga, il n'a pas de sens, c'est ludique et ça n'amène rien aux gens, ça ne peut que nous interroger. Ça sert à quoi ? Elles servent à quoi justement ces activités ?

Yves-Marie Brient :

Ça prépare en fait la réinsertion, à la sortie de prison.

Alors toutes ces activités, quelles qu'elles soient, sous quelques formes que ce soit, permettent surtout aux personnes de retrouver de l'estime d'eux-mêmes, de retrouver des relations sociales qu'elles ont souvent perdues.

Parce que quand on se retrouve en cellule avec deux, trois, quatre personnes dans neuf mètres carrés, vous n'avez pas envie d'avoir des interactions avec les autres.

Ça leur redonne, ne serait-ce que par des jeux, de réapprendre des règles, de resuivre des règles et de les appliquer, et ça, ça modifie complètement leur comportement.

France Info :

Toutes ces petites choses, très simples, participent à la réinsertion, comme vous venez de le dire.
Gérald Darmanin réagit aujourd'hui. Alors lui souligne que le Conseil d'État valide l'interdiction des activités dites « provocantes ». Et il ajoute, quand on va en prison, il faut accepter que ce soit un lieu de détention difficile, un mal nécessaire pour la société.
Qu'est-ce que vous lui répondez ?

Yves-Marie Brient :

La prison n'a pour but que la limitation de la liberté, des mouvements et de protéger la société. Si on veut rendre la prison plus dure, on va rendre les choses invivables.

Quand on voit aujourd'hui une surpopulation qui ne cesse d'augmenter, quelle envie cela va leur donner quand ils vont ressortir ? Quid l'esprit de vengeance vis-à-vis de la société qui les a enfermés dans de telles conditions ?

On a parlé il y a quelques temps de faire payer les détenus. Quand on pense qu'il n'y en a plus d'un quart des personnes incarcérées qui était dans la pauvreté précédemment.

Ce n'est absolument pas le problème.

France Info :

C'est Gérald Darmanin qui proposait cela il y a encore quelques jours.
Le ministre qui rajoute sur le réseau X, si la loi actuelle nous empêche de mettre en place la politique de fermeté dans les prisons, je proposerais un changement de la loi.
Est-ce que vous craignez qu'il ne revienne à la charge prochainement sur le sujet ?

Yves-Marie Brient :

Je pense qu'il va revenir sous d'autres formes, sous d'autres manières.

Aujourd'hui, la surpopulation, parce que c'est quand même vraiment le problème actuel, limite les mouvements, limite les déplacements. Les avocats, comme les associations et la société civile ont du mal à agir.

On est dans un contresens. Il y a d'autres moyens que la prison, mais qu'on ne veut pas voir. On se dit que la seule possibilité de résoudre le problème, c'est d'incarcérer.

Il y a des chiffres qui sont quand même éloquents. On parle de récidive à 5 ans. Il y a 66% des personnes incarcérées qui retournent en prison dans les 5 ans.

Vous êtes prêt à investir un système aussi peu efficace ?

France Info :

Yves-Marie Brient, vous le savez, bien sûr, il y a tout un discours partagé par une partie de la population, par une partie de la classe politique qui, en gros, vise à dire que la vie en prison, c'est quasiment le club med avec la télé, les téléphones portables qui circulent, les détenus qui font leurs lois.
Quelle est la réalité, vous, de ce que vous voyez en tant que visiteur de prison ?

Yves-Marie Brient :

Pour nous, la réalité n'est pas du tout celle-ci. Les téléphones, ils existent. On en est conscient. Quand il y a 50 000 téléphones qui sont saisis sur une année, c'est énorme, donc ça circule.

Mais se retrouver à 3, 4, comme je disais, dans 9 m², faites l'essai pendant 24 heures. Vous allez voir ce que ça va donner. C'est quand même assez surprenant.

Pour l'instant, on n'a pas trop de problèmes de chaleur, mais on va les retrouver très rapidement.

Quand vous êtes infesté de punaises de lits, de cafards et certains établissements où vous avez les rats qui circulent dans les étages, ça pose question.

Le Club Med, on en est quand même très, très loin.

France Info :

Les activités ludiques sont organisées à quelle fréquence pour les détenus ? C'est une fois de temps en temps dans l'année ?

Yves-Marie Brient :

Ça peut être plus régulier. Cela dépend beaucoup des types d'activités.

Il y a par exemple le yoga qui peut être fait toutes les semaines. Et ça, ça amène du calme, ça amène de la détente, ça améliore les relations.

La médiation animale est un peu plus compliquée à mettre en œuvre parce qu'elle n'est pas présente dans tous les établissements. Ça suppose des associations avec des bénévoles, avec souvent des chiens qui puissent se rentrer dedans. Ça aussi, ça recrée du lien social.

Il y a un aspect aussi que je voudrais insister, dont on parle peu, c'est que toutes les associations qui interviennent, c'est la société extérieure qui est présente dans les établissements. Et pour les personnes détenues, c'est quand même très important d'avoir des bénévoles, des gens qui ne sont pas rémunérés, et qui viennent les aider dans leur parcours de réinsertion.

Cet aspect là aussi n’est pas vu par la société.

Mais c'est de part et d'autre, il existe des liens, des manières de faire pour que la réinsertion soit réellement plus concrète et positive.

Merci à vous, Yves-Marie Brient, président de l'ANVP, l'Association Nationale des Visiteurs de Personnes sous main de justice.

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20/05/2025

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