Congrès 2022 à Marseille

Le congrès 2022 de l'ANVP s'est tenu à Marseille les 20 et 21 mai sur le thème "Punir Autrement", et en référence à toutes les peines qui s'exécutent en dehors de la prison.

180000 personnes purgent une peine en milieu ouvert contre 70000 en détention, soit entre deux et trois fois plus, et pourtant les français ne croient qu'à la prison.

De nombreux intervenants Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté, Directeur des Services Pénitentiaires, Procureur de la République, CPIP du Milieu Ouvert, ancienne personne placée sous main de justice, Juge d'Application des Peines, avocat pénaliste, Responsable d'Emmaüs, psychologue,  Directeur de SPIP, visiteur-accompagnant,  se sont succédé sur l'estrade pour alimenter la réflexion sur le thème de la journée.

Punir Autrement

De nombreux intervenants ont permis à l'audience de mieux comprendre les différents types de peines en milieu ouvert, leurs points forts, leurs difficultés d'application, les résultats obtenus, ainsi que les modalités de leur gestion par les professionnels de la justice.

L'exemple et le vécu

La journée a démarré par un binôme : Fabien Rigaud, CPIP du Milieu ouvert accompagné par Daniel, une ancienne personne sous main de justice qu'il avait eu la charge de suivre.

Une séquence très émouvante qui a permis à l'assemblée de mieux comprendre le parcours entre la détention et le milieu ouvert et mesurer les difficultés de la mise en place de mesures en milieu ouvert, du chemin à parcourir par la personne qui purge la peine afin d'être en mesure de la comprendre et de se réinsérer, d'accepter les réussites et les échecs qui sont souvent nécessaires pour progresser sur la route de la désistance.

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Les décideurs

Différents décideurs pilotent la procédure judiciaire et la mise en application des peines décidées par le tribunal. Pour en débattre, trois acteurs majeurs de la procédure se sont renvoyés la balle : le procureur de la république de Nîmes, Eric Maurel, la Juge d'Application des Peines d'Alès, Bérengère Le Boëdec, l'avocat pénaliste marseillais Samir Bouchama.

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Un des points saillants de la discussion est la nécessaire régulation carcérale. A Nîmes, la surpopulation peut atteindre 230%, ce qui rend inhumain l'incarcération de personnes supplémentaires. A cette situation intenable, s'ajoute la conviction que toutes les solutions de milieu ouvert, lorsqu'elles fonctionnent, sont meilleures que la mise en détention. Cette régulation carcérale est pilotée grâce à la coordination de l'ensemble des acteurs, en particulier procureur et juges d'application des peines.

Contrairement à la détention, les peines en milieu ouvert sont individualisées. La JAP insiste sur l'importance de tenir compte de tous les paramètres personnels du condamné pour choisir la peine est ses modalités d'application. Un exemple est la difficulté à se déplacer (pas de véhicule, moyens financiers ne permettant pas l'achat de carburant...) pour proposer le TIG adapté à la situation de la personne.

La grande difficulté pointée par l'avocat est la comparution immédiate, parfois demandée par le prévenu afin d'être jugé rapidement, qui ne permet pas au défenseur de rassembler les éléments nécessaires (enquêtes de personnalité, témoignages...) utiles à la défense.

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La Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté

Dominique Simonnot, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté, ne peut qu'être favorable à la généralisation et au développement du nombre de peines en milieu ouvert.

Sa vision de l'état général des prisons, leur surpopulation, les conditions sanitaires de certains établissements est que la détention confine souvent à de la maltraitance, voire des "châtiments corporels".

Même si l'inertie du système rend toute évolution difficile, force est de constater que les rapports et recommandations publiés par le CGLPL peuvent déclencher des actions d'amélioration dans les établissements concernés.

Voilà une bonne raison pour continuer à témoigner et faire savoir au plus grand nombre les indignités de notre système pénitentiaire.

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La réalité de la prison

L'intervention très émouvante de Daniel qui a partagé avec nous son vécu en détention, passage à tabac,  convalescence, souffrance, a parfaitement complété la parole de Dominique Simonnot, montrant par son expérience combien les constats faits par le CGLPL sont justes et combien leurs impacts sont graves sur l'équilibre des personnes placées en détention ainsi que sur leur confiance dans la justice.

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La mise en œuvre des peines en milieu ouvert

Thierry Alves, actuellement Directeur Interrégional des Services Pénitentiaires de Marseille - Grand Sud, a été le responsable de la mise en place de l'Agence Nationale des TIG (Travaux d'Intérêt Général). L'objectif de cette agence est de mobiliser les structures d'accueil potentielles afin de disposer d'une quantité suffisante de postes de TIG, et cela pour rendre cette mesure applicable à chaque fois qu'elle est souhaitable. Une des difficultés est notamment la variété des durées des TIG, mesurés en heures et la nécessité d'un encadrement adapté au sein des structures accueillantes dont un tuteur, responsable du suivi de la peine.
Il faut remarquer que 90% des TIG mis en place sont des succès.

Marion Moulin, Responsable Nationale de Groupes - Emmaüs France, a montré combien le placement à l'extérieur, mis en œuvre au sein de l'association est une solution efficace pour aider les personnes à reprendre confiance en elles, en la société, retrouver un travail. Dans les fermes d'Emmaüs, les personnes peuvent rester jusqu'au moment où elles sont capables d'une vie en toute autonomie. La réussite de ces structures est notamment liée au fort taux d'encadrement de chaque personne prise en charge, par les professionnels comme par les bénévoles.

En milieu ouvert, selon Fabien Rigaud, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, le travail du CPIP est primordial pour mesurer les progrès effectués, rappeler à l'ordre la personne lorsqu'elle a des difficultés à respecter les mesures qui lui sont imposées, lui donner confiance en lui, apporter une vision au JAP qui n'a pas la même proximité avec le condamné. C'est un travail passionnant, plein d'humanité nécessitant une grande empathie tout en gardant la bonne distance et être capable de fermeté.

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La désistance*

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Christophe Prat, psychologue, explique les principes de la désistance qui ont été étudiés et formalisés principalement par des chercheurs états-uniens.

Pour réussir à sortir de la délinquance il faut réunir plusieurs facteurs . Tout d'abord, la personne doit accepter la peine et la comprendre.

Mais, seul, il ne peut rien. Il faut également qu'il soit aidé sur le plan psychologique, de la santé, de la formation, et il faut qu'il reprenne confiance en lui. Cela ne peut se faire que si la société lui fait une place, d'où l'importance de tous les acteurs de la société civile : "Il faut tout un village pour réhabiliter un individu".

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Et les visiteurs de l'ANVP, dans tout cela ?

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La DSPIP du Var a été particulièrement intéressée par la démarche ANVP de la visite-accompagnement hors les murs. Eric Lamboley, DSPIP, détaille la démarche, depuis la prise de connaissance de la convention nationale, à la mise en place de la convention locale et la mise en œuvre de la formation des visiteurs accompagnants, complétée par une immersion au SPIP Milieu Ouvert de 3 jours. Cette démarche permet une très bonne connaissance du dispositif par les visiteurs.

Serge Marti, visiteur accompagnant témoigne de la spécificité de l'accompagnement en milieu ouvert. Il indique en particulier le risque de se donner des ambitions inatteignables par la PPSMJ.
La difficulté, plus qu'en milieu fermé, est d'accepter les limites de la personne et la difficulté qu'elle peut avoir à atteindre des objectifs que le visiteur-accompagnant pourrait considérer comme atteignables.

Valérie Gomez, la CPIP qui appuie Serge Marti dans son activité de visiteur accompagnant, insiste sur les différentes activités proposées pour aider la PPSMJ à évoluer, par exemple par l'intermédiation de chevaux, qui permettent une relation différente entre les différents acteurs. Dans le cadre du milieu ouvert, il faut remarquer la relation beaucoup plus proche du visiteur accompagnant et du CPIP que dans le milieu fermé, du fait notamment du contrat tripartite passé entre la PPSMJ, le CPIP et le visiteur accompagnant.

Conclusion de la journée

La conclusion a été partagée par Sylvain Lhuissier, auteur de l'ouvrage "Décarcérer" et Yves-Marie Brient, Président de l'ANVP.

Une journée riche en enseignements et partage d'expériences.

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Oui, les prisons - les maisons d'arrêt - sont en surpopulation constante et parfois extrême. Et il est prouvé que l'efficacité de l'enfermement est très limitée, bien que la société  française ait la culture de l'emprisonnement, qui semble la peine de référence.
Voilà une excellente raison de mettre en place une régulation carcérale comme déjà mise en oeuvre par plusieurs juridictions.

Et pourtant, oui, les peines en milieu ouvert sont globalement plus efficaces que les peines d'enfermement. Mais pour qu'elles soient efficaces, il faut le concours de tous : la personne concernée, le système judiciaire et pénitentiaire et surtout la société civile. Sans un accueil au sein de cette dernière, tous les efforts resteront vains. Pour que la PPSMJ soient intégrée, il est nécessaire que la société lui fasse une place. Il faut également que les moyens soient à la hauteur des enjeux : le nombre de places de TIG, adaptées à chaque cas, le nombre de professionnels pour encadrer les PPSMJ, les lieux de placement à l'extérieur et enfin les visiteurs-accompagnants de l'ANVP.

* Désistance : processus de sortie de la délinquance, de la criminalité ou d'addiction.

Pour aller plus loin

Lire le billet écrit à l'issue du congrès par Xavier Denecker, ancien Président de l'ANVP.

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21/05/2022

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